Homélie 13 septembre (funérailles abbé Lelivre)
Pour l’abbé Bernard, pas question de faire un éloge funèbre. Il rougirait encore si je commençais à adopter un style qui trahirait sa discrétion et sa simplicité.
On me disait qu’il aimait dessiner ; Il avait ce don de refléter ainsi, même juste par quelques traits, quelque chose de la beauté que nous offrent des choses toutes simples, beauté à laquelle son oeil était réceptif. Cela m’invite à faire de ce quelques mots comme un portrait à la manière dont quelques traits au crayon suffisent pour une esquisse. Les paroissiens d’Hermeton parleraient bien mieux que moi pour décrire qui il était, mais ce n’est pas ce qu’il aurait souhaité pour aujourd’hui. D’ailleurs, les traits seront empruntés non pas vraiment à sa vie, mais plutôt aux textes choisis en pensant à lui. Mais bien sûr, quelque chose de lui s’y reflétera. Cherchons ainsi à vivre cette célébration en goûtant la paix et la joie qui ressemblaient à ce que beaucoup ici ont partagé avec lui, et ce sera mieux que d’en rester à ce que les mémoires peuvent dire. Que ce soit une manière pour nous de prêter attention à travers ces quelques mots à ce que le Seigneur, dans le cœur de prêtre de l’abbé Bernard, l’a invité à partager.
Dans l’Évangile, Jésus nous invite à nous faire riches en vue de Dieu. Il nous conseille de ne pas nous inquiéter à propos de réserves pour des besoins de la vie qui ne disent pas grand-chose de la vie d’enfant de Dieu. Attention pour nous d’engranger des biens derrière des murs et des parois qui disent que l’on a surtout peur de manquer et besoin d’avoir plus. Certains biens, en effet, vont avec le besoin d’en avoir plus, et avec la peur de les perdre. Mais il est une autre dimension de la vie que cela masque, cette ouverture de la vie qui s’appelle la foi, quand on croit en l’amour. On peut regarder le monde et ne voir que ce qui va mal, et se dire que les choses pourraient aller mieux. On peut aussi, et c’est le cœur ouvert par la Bonne Nouvelle qui le fait, voir ce qui va bien, avoir l’envie de partager cette richesse d’un cœur qui peut se réjouir de peu. Quand la gratitude touche un cœur qui s’ouvre à Dieu, il ne lui faut pas grand chose. Parce qu’il est déjà riche de l’amour que Dieu lui fait découvrir et il a envie de le partager.
Il reste pauvre mais d’une pauvreté qui ne peut jamais aller avec l’avidité qui chercherait mal à la combler. La peur de toujours manquer laisse place à une ouverture autre, à la présence de Dieu, et il peut se réjouir.
Parmi les dons les meilleurs, il y a l’amour : un regard qui aime ne juge pas mais il cherche à comprendre avec sagesse, à être bienveillant. L’amour alimente une attention qui respecte ce qu’il y a de profond en chacun, ce qu’il y a d’unique. L’amour cherche à rendre les liens toujours plus justes même s’il faut pour cela le pardon, mais on comprend que le cœur ouvert fait passer l’autre avant soi : avec une capacité préservée de se réjouir de ce qui réjouit l’autre. Nous entendions tout à l’heure un refrain qui semblait un fil conducteur de l’abbé Lelivre : il est grand le bonheur de donner, bien plus grand que la joie de recevoir.
Aimer, c’est toujours d’une façon ou d’une autre, donner : donner de son attention, de son énergie, donner du temps, donner un coup de main. Cela peut paraître exigeant. Mais quand nous entendions Saint Paul nous parler de l’amour, il décrivait un don que le Seigneur fait. Ces textes d’aujourd’hui sont un appel à recevoir de Dieu un amour et toute la vie peut aller vers la joie de transmettre cet amour, de le vivre en aimant, et d’aimer la vie, parce qu’aimer, faire tout avec amour, est un chemin de bonheur. Sur ce chemin, si le message évoqué par le refrain évoqué tout à l’heure, la joie de donner est le fil conducteur, il est une musique qui résonne dans le cœur qui trouve sa joie à donner. Il est grand le bonheur de donner, bien plus grand que la joie de recevoir.
Pour ceux qui l’ont connu, l’abbé Lelivre est souvent devenu un ami que le Seigneur nous donnait. Comme prêtre, il a vécu, discrètement, avec bien des paroissiens, un chemin où l’on découvre la joie d’aimer, de servir, de vivre dans la reconnaissance envers les autres comme envers des amis, des frères et sœurs que le Seigneur nous donne. Résonne peut-être encore la phrase de saint Paul : l’amour ne passera jamais. Cela ouvre le cœur, pour goûter des richesses qui ne peuvent que se partager, jamais s’accumuler, qui ne servent à rien si elles ne sont pas mises à la disposition de la vie, et d’une vie qui touche au plus profond ce que nous sommes.
Il est grand le bonheur de donner, bien plus grand que la joie de recevoir. Ce qui résonnait par les voix de la chorale, c’est plus qu’une musique,c’est un don de Dieu. En pensant à l’abbé Lelivre, que ce don maintienne vives l’amitié et la gratitude dans notre cœur. Que notre vie y découvre une richesse qui demeure pour toujours.